mardi 19 juin 2012

Humeur du soir #2

Un mystère éternel est une tentation éternelle

Je me suis amusé parfois à imaginer quel serait le destin d'un individu maître (ou plutôt victime) d'une intelligence très supérieure à celle de sa race. Naturellement il aurait conscience de sa supériorité et ne pourrait s'empêcher (s'il était constitué quant au reste comme un homme normal) de manifester cette conscience. Aussi se ferait-il des ennemis de toutes parts. Et comme ses opinions et ses spéculations différeraient grandement de toute l'humanité, il va sans dire qu'on le prendrait pour un fou.
.Edgar Poe.

Mes paroles sont très faciles à comprendre, très facile à pratiquer. Dans le monde personne ne peut les comprendre, personne ne peut les pratiquer. Mes paroles ont une origine, mes actions ont une règle. Les hommes ne les comprennent pas, c'est pour cela qu'ils m'ignorent. Ceux qui me comprennent sont bien rares. Je n'en suis que plus estimé. De là vient que le Saint se revêt d'habits grossiers et cache des pierres précieuses dans son sein.
.Lao Tseu.

Votre raison et votre passion sont le gouvernail et les voiles de votre âme qui navigue de port en port. Si votre gouvernail ou vos voiles se brisent, vous ne pouvez qu'être ballottés et aller à la dérive, ou rester ancrés au milieu de la mer. Car la raison, régnant seule, est une force qui brise tout élan; et la passion, livrée à elle-même, est une flamme qui se consume jusqu'à sa propre extinction. Aussi, laissez votre âme exalter votre raison jusqu'aux hauteurs de la passion, de sorte qu'elle puisse chanter; et laissez la diriger votre passion avec raison, afin que la passion puisse vivre au travers de son incessante résurrection, et tel le phénix renaître de ses propres cendres.
.Khalil Gibran.

De nos jours, la plupart des gens meurent d'une espèce de bon sens rampant et découvrent trop tard qu'il n'y a que les erreurs qu'on ne regrette jamais. Il y a des moments où il faut choisir entre vivre sa propre vie pleinement, entièrement, complètement, ou traîner l’existence dégradante, creuse et fausse que le monde, dans son hypocrisie, nous impose. Le seul moyen de se délivrer d'une tentation, c'est d'y céder. Résistez et votre âme se rend malade à force de languir ce qu'elle s'interdit. Je suis toujours en train de m'étonner moi-même. C'est la seule chose qui rende la vie digne d'être vécue. Les femmes sont faites pour être aimées, non pour être comprises. Plus d'une femme emprunte le coeur d'un homme; très peu le possèdent. La société pardonne souvent au criminel, jamais elle ne pardonne au rêveur.
.Oscar Wilde.

Je rêve d’un confesseur idéal, à qui tout dire, tout avouer, je rêve d’un saint blasé. Pendant bien longtemps j'ai vécu avec l'idée que j'étais l'être le plus normal qui fut jamais. Cette idée me donna le goût, voire la passion, de l'improductivité: à quoi bon se faire valoir dans un monde peuplé de fous, enfoncé dans la niaiserie ou le délire? Pour qui se dépenser et à quelle fin? Reste à savoir si je me suis entièrement libéré de cette certitude, salvatrice dans l'absolu, ruineuse dans l'immédiat. Le même sentiment d'inappartenance, de jeu inutile, où que j'aille: je feins de m'intéresser à ce qui ne m'importe guère, je me trémousse par automatisme ou par charité, sans jamais être dans le coup, sans jamais être quelque part. Ce qui m'attire est ailleurs, et cet ailleurs je ne sais ce qu'il est. Ayant toujours vécu la crainte d'être surpris par le pire, j'ai, en toute circonstance, essayé de prendre les devants, en me jetant dans le malheur bien avant qu'il ne survînt. Jeune, je m'ennuyais à mourir, mais je croyais en moi. Si je n'avais pas le pressentiment du personnage falot que j'allais devenir, je savais en revanche que, quoiqu'il advînt, la Perplexité ne me laisserait pas en plan, qu'elle veillerait sur mes années avec l'exactitude et le zèle de la Providence.
.Cioran.


Un an plus tard, rien n'a changé.
Serait-ce à moi de changer...